Alors que la justice a permis, fin mai, la reprise du chantier controversé de l'A69, ses partisans défendent lundi dans l'hémicycle une loi visant à éviter un arrêt des travaux.
C'est une bataille juridique et politique. Lundi 2 juin, l'Assemblée nationale examine une proposition de loi portée par la majorité pour valider rétroactivement les autorisations environnementales du chantier de l'autoroute A69 entre Castres et Toulouse. Ce texte vise à reconnaître comme valides des autorisations annulées fin février par la justice, afin d'éviter un nouvel arrêt du projet. Le 28 mai, la cour administrative d'appel a temporairement levé cette suspension, autorisant la reprise des travaux.
Adopté au Sénat, le texte arrive dans un climat tendu dans l'hémicycle, où ses défenseurs, dont le député du parti Renaissance Jean Terlier, dénoncent une "obstruction" des députés écologistes et insoumis, auteurs de nombreux amendements. L'A69, longue d'environ 60 km, est un chantier estimé à plus d'un milliard d'euros, porté par la société Atosca. Présenté comme un outil de désenclavement du sud du Tarn, il suscite une vive opposition, notamment écologique.
Une tentative de verrouillage législatif du chantier de l'A69
C'est dans ce contexte que la majorité a décidé d'inscrire cette loi de validation à l'ordre du jour de l'Assemblée, lors d'une demi-journée réservée lundi au groupe Renaissance. Le texte a ainsi pour objectif d'empêcher un nouvel arrêt du chantier en affirmant qu'il répond à une "raison impérative d'intérêt public majeur" (RIIPM), une reconnaissance qui permet de déroger à certaines règles du droit de l'environnement, dont la protection des espèces.
Portée par le député Renaissance du Tarn, Jean Terlier, cette proposition de loi entend valider rétroactivement les autorisations environnementales du projet, pourtant annulées par la justice. Adopté au Sénat le 23 mai, le texte a déjà franchi un premier cap. Il sera examiné en séance publique après avoir été validé en commission du développement durable à l'Assemblée. Pour Jean Terlier, il s'agit ainsi de répondre à un "motif impérieux d'intérêt général", en particulier celui de désenclaver une région rurale.
Si le texte est aussi adopté par l'Assemblée nationale, les arguments juridiques soulevés par les opposants pourront toujours être examinés, mais leur poids sera moindre. C'est précisément l'absence de RIIPM qui avait justifié l'invalidation des autorisations environnementales en février, avait rapporté le tribunal de Toulouse dans un communiqué(Nouvelle fenêtre).
L'opposition dénonce un "passage en force"
Du côté des opposants, la proposition de loi, perçue comme un contournement de la justice, suscite une vive contestation. "La droite crée un précédent dangereux : celui de faire passer en force n'importe quel projet contesté au mépris des procédures juridiques", a notamment déclaré le groupe des Ecologistes du Sénat dans un communiqué(Nouvelle fenêtre) publié le 15 mai. Ils dénoncent également une "attaque à peine masquée contre l'Etat de droit". "Cette décision mettra les magistrats de la cour d'appel devant le fait accompli, et entérine donc le droit à détruire l'environnement en piétinant la loi", a écrit de son côté la députée insoumise Anne Stambach-Terrenoir sur X,(Nouvelle fenêtre) tandis que son parti évoque "un passage en force" visant à "écraser une décision judiciaire", rapporte l'AFP.
A l'Assemblée, La France insoumise et Les Ecologistes ont ainsi déposé la quasi-totalité des 695 amendements, une stratégie d'obstruction parlementaire pour ralentir l'examen du texte, prévu à partir de 15h45. Ce nombre d'amendements pourrait empêcher la soumission du texte au vote avant minuit, heure limite de la séance. Sinon, la proposition de loi sera alors abandonnée, faute d'avoir été examinée dans les temps.
En complément, LFI a aussi déposé une motion de rejet préalable, un outil parlementaire qui permet de demander l'abandon pur et simple du texte avant même son examen. Cette motion sera examinée dès l'ouverture du débat dans l'hémicycle. Jean Terlier dénonce quant à lui "un procédé d'obstruction assumé pour éviter la discussion et le vote de la loi, largement adoptée en commission", rapporte l'AFP.
Dans la nuit de dimanche à lundi, des militants du Groupe national de surveillance des arbres (GNSA) "se sont installés dans un arbre face à l'Assemblée nationale" pour protester contre la proposition de loi, a annoncé l'association.
L'A69 devait initialement être mise en service fin 2025, mais cette échéance ne pourra pas être respectée, d'après la société Atosca, en charge des travaux. Pour finaliser le chantier, la société doit rapatrier dans le Tarn un millier de salariés ainsi que de nombreux engins.